Smart Citizen

2025-04-19

Tout action est conséquence d'une décision, une réponse à des indicateurs[1]. Sans nier l'importance – en bien ou en mal – de l'aspect social, subjectif et abstrait, il est indispensable d'utiliser un langage commun, des mesures objectives et vérifiables[2]. Or il est de plus en plus difficile à échelle individuelle de s'approprier le matériel et les méthodes nécessaires à la vérification de cela comme en témoignent la barrière d'entrée des normes encadrant le quotidien, (exemple des vêtements haute-visibilité[3]). Reposer sur des entreprises, souvent privées et à but lucratif, revient à offrir sa confiance à des actrices aux objectifs généralement éloignés des valeurs humaines et sociales. Il est nécessaire de reprendre le contrôle sur notre environnement, notre société, à l'aide de solutions décentralisées et ouvertes. OpenStreetMap[4], et plus récemment Panoramax[5], sont des exemples de réussites en ce sens.

SmartCitizen se décrit comme étant un système de mesures environnementales, ouvert et destiné au grand public[6]. Les kits proposés à la vente peuvent être mis en service en un temps relativement court, et présentent une modularité permettant d'y associer divers capteurs en parallèle.

À noter que ce n'est pas la seule initative de « capteurs populaires », de tête il existe également : SensorCommunity, AirCitizen, et Telraam – Je considère cette dernière à part, car même si l'idée est bonne, l'abonnement payant m'horripile.

Cas d'usage : qualité de l'air à Besançon

À Besançon, l'association agréée de surveillance de la qualité de l'air principale est Atmo BFC (faisant partie de la fédération Atmo France). Ses mesures sont ouvertes au public[7] et on distingue sur le territoire urbain uniquement trois stations. Bien que permettant d'avoir une idée générale, il est sûrement possible de faire mieux, d'avoir davantage de détails sur les différents environnements au sein de la ville… Et c'est là qu'intervient les kits SmartCitizen ! Depuis mars 2025, une des associations locales de cyclistes s'est dotée d'une station installée le long d'un des axes routiers principaux de la ville[8]. Tout à chacun est désormais capable de suivre en direct l'évolution de plusieurs paramètres de la qualité de l'air, et sans avoir à remplir la moindre paperasse administrative ! Alors évidemment, avoir accès aux données ne permet pas de forcément se faire une idée tranchée de la situation, mais ça reste une condition indispensable aussi bien pour savoir s'il vaut mieux ouvrir la fenêtre rue ou jardin pour les personnes habitant cette rue, mais plus généralement orienter la politique d'urbanisme de la ville.

Bien qu'il y ait des fluctuations, des observations peuvent être clairement faites sur les mesures jusqu'ici :

Aucune variation significative n'est visible en comparant les données de semaine ou de week-end suggérant : un volume de trafic constant, ou une source de pollution tierce (résidentielle ?) rendant négligeable l'effet du trafic.

Quoi qu'il en soit, les recommandations à ce sujet sont explicites : pas plus de 55 dB moyens journaliers[9] et, depuis 2021, pas plus de 5 μg.m⁻³.an⁻¹ (ou 15 μg.m⁻³.j⁻¹) de PM2.5 ou 15 μg.m⁻³.an⁻¹ (ou 45 μg.m⁻³.j⁻¹) de PM10[10]. Autant dire que la marge n'est pas énorme à Besançon.

Et parce qu'on parle évidemment de valeurs reproductibles, ces même valeurs sont également mesurées par Atmo BFC[11].

Guerilla sampling

Comme ça reste un domaine de niche, et que je peux attendre des plombes avant que des particuliers s'approprient l'outil au point de faire un maillage à proximité, le mieux reste encore d'aller moi-même faire de l'échantillonnage sur l'espace public. Attention ça reste un chouilla risqué, le boîtier bicolore flashy et la LED qui clignote, peuvent attirer l'attention et susciter des vols. En particulier en zone urbaine où on partagera les recoins avec les jeunes qui cherchent à planquer leurs bouteilles avant d'entrer en boîte.

La documentation à ce sujet n'est pas claire. Sur la plateforme publique, chaque « Kit » déclaré correspond en fait à un point d'échantillonnage, auquel est associé un token, une clé privée. Celle-ci est consultable via la plateforme publique, en étant connecté au compte associé. Elle n'est actuellement pas disponible sur la page listant les kits associés à un profil !

Dans le cas de lieu disposant de Wifi. Pour chaque nouveau lieu, il suffit de mettre son appareil en mode WiFi (la LED rouge s'allume), et de lancer l'assistant de configuration[12]. Sont ensuite demandés les identifiants du réseau Wifi auquel se connecter, le fameux token (assigné par l'assistant de configuration), et le compte auquel associer le kit. Par la suite, pour revenir à un ancien kit, il suffit de refaire le processus en renseignant le token souhaité (pensez également à changer les identifiants Wifi).

À noter qu'en absence de connexion Wifi, l'appareil continue de réaliser des mesures qu'il stockera en mémoire. La recherche de Wifi sera faite de manière plus espacée. Ce faisant, on économise un peu de batterie. Je dis ça, mais dans mon cas j'ai réglé l'appareil pour effectuer des mesures courantes toutes les minutes (0,3 mAh), particules fines toutes les 20 min (1,2 mAh), et envoyer au serveur toutes les 10 min (1,2 mAh). L'appareil au repos consomme environ 7,1 mAh, ce qui est relativement élevé pour la batterie d'origine de 2000 mAh. Une charge complète peut ainsi théoriquement tenir environ 8 jours. En pratique je ne dépasse pas les 4 jours, et sans attendre qu'elle soit vide.

Il existe également un mode hors-ligne avec écriture sur carte SD. La carte fournie de 16 Go pourrait à priori contenir plusieurs années de mesures. Mais, à minima pour assurer un suivi des appareil et la batterie tenant quant à elle beaucoup moins que quelques années, j'ai préféré rester en mode Wifi tout en configurant mon téléphone portable comme point d'accès Internet. Il me suffit alors de me rendre à proximité du kit avec mon portable, y attendre quelques minutes, et de vérifier que les données ont bien été transmises sur la plateforme. Cela peut également être l'occasion de changer la batterie dans le cas d'un roulement avec une batterie de réserve que l'on recharge chez soi. Il n'empêche que pour un kit permanent, un système photovoltaïque ne mange pas de pain.

Références

[1] Indicateurs, LeJun 2023
[2] Reproductibilité, LeJun 2024
[3] Vêtement haute visibilité, LeJun 2025
[4] OpenStreetMap, LeJun 2023
[5] Panoramax, LeJun 2023
[6] Smart Citizen Kit and Station: An open environmental monitoring system for citizen participation and scientific experimentation, Camprodon 2019
[7] Air, Atmo BFC 2025
[8] Kit Viola alba (Association Vélo Besançon), SmartCitizen 2025
[9] What is the safe noise exposure level to prevent noise-induced hearing loss?, Fink 2024
[10] WHO global air quality guidelines, World Health Organization 2021
[11] Rapport d'activités 2023, Atmo BFC 2024
[12] Smart Citizen Onboarding, Smart Citizen 2025