L'hétérosexualité

Céleste avait coupé le moteur. Ils restèrent un moment silencieux. Tout était très calme. Il faisait froid, ils avaient gardé leurs manteaux.

Samuel sortit de la voiture, ou alors il entra dans la nuit, et il s'approcha de la porte d'entrée. L'air était glacial mais il n'y avait pas de vent.

Il ne trouvait pas la serrure. Il y avait beaucoup d'étoiles mais pas de Lune. Comme il n'osait pas élever la voix Samuel revient vers la voiture et se pencha à la portière pour demander à Céleste d'allumer les phares.

Dans la maison ils cherchèrent un moment le compteur électrique à la lueur du téléphone de Céleste. Puis, se souvenant de la maison de son enfance Samuel eut l'idée de chercher à l'extérieur.

La maison n'était éclairée que par des petites lampes disposées un peu partout, des lampes avec des abat-jours disparates. Aucun plafonnier, même dans la cuisine. Samuel et Céleste firent un aller-retour à la voiture pour ramener leurs sacs. Pour le soir ils avaient prévu quelques provisions.

Samuel avait pris une radio, Céleste plusieurs livres ne sachant pas exactement par lequel elle avait envie de commencer. Samuel avait noté la fréquence d'une radio associative qui émettait du village voisin. Il avait pris des livres lui aussi.

La maison avait une odeur de renfermé. Il y faisait très froid, aussi après avoir aéré les différentes pièces ils allumèrent les radiateurs électriques du salon. Samuel fit un feu dans le poêle à bois qui réchauffa vite la petite pièce.

Les fauteuils étaient vieux et confortables. Samuel et Céleste discutaient en sirotant une boisson chaude. Ils parlaient souvent de leurs enfants, un peu de leur travail.

Samuel avait fait le lit, il écoutait la radio avec ses écouteurs pelotonné sous un lourd édredon. Céleste était resté lire sur le canapé, emmitouflée sous un plaid. De temps en temps il enlevait les écouteurs pour écouter le silence.

Samuel s'était assoupi. Il se leva, le salon s'était bien réchauffé. Quelques lampes étaient allumées, dans le poêle il restait des braises rougeoyantes. Céleste lui adressa un sourire depuis le canapé puis elle referma les yeux.

Samuel enfila son manteau et ses chaussures puis sortit. La Lune s'était levée. Il suivit un moment le sentier qui longeait un muret de pierres.

Quand il rentra Céleste était sous la douche. Samuel décida de faire du café.

Il y avait des étagères avec des livres et quelques jeux de société. Céleste et Samuel étaient sur le canapé. Comme cela arrivait parfois, la conversation avait dérivé vers leur passé, celui qu'ils avaient en commun. C'était toujours un peu douloureux.

Céleste expliqua avec sincérité pourquoi elle se sentait aussi coupable. Samuel proposa de leur servir un verre de whisky. Il ressentait différentes émotions, de la honte, du désir, une pointe de colère. C'était la peur qui dominait cependant.

Céleste écrivait, installée à la petite table ronde, son plaid sur les épaules. A quatre heure la radio locale avait cessé d'émettre. Samuel avait trouvé un recueil de Sylvia Plath. De temps en temps il somnolait. Il pensait comprendre le sentiment de culpabilité de Céleste mais il n'avait aucune idée de ce qu'il faudrait faire à l'avenir. Jamais sa situation de lui avait paru aussi concrète, c'était assez agréable.

Il ressortit un peu avec le fond de son verre de whisky. L'aube était encore loin. Tout était figé, attendant patiemment le retour du soleil.

Dans la chambre il y avait des placards bas avec des portes coulissantes. Samuel trouva des cartons de livres et de vêtements, une console de jeu vidéo des années quatre-vingt, une planche à repasser, un appareil à raclette. Il s'assit sur le lit et lu quelques pages en rêvassant. Il pensait aux hommes, aux garçons et à ce qu'ils lui avaient toujours inspiré, un mélange de mépris et de peur. Cela lui permit de placer sa vie amoureuse sous une perspective différente. Du salon lui parvenait le sifflement de la bouilloire. Dehors le ciel commençait à bleuir.

30 juin 2025