Le monde sur le fil - Un film de Rainer Werner Fassbinder - Avec Klaus Löwitsch, Barbara Valentin, Mascha Rabben, Karl-Heinz Vosgerau, Ulli Lommel, Günter Lamprecht, Eddie Constantine.
Fassbinder, c'est l'artiste qui dépasse la technique, pour montrer aux autres humains comment il faut faire.
A regarder ses films, je n'ai pas l'impression que la technique cinématographique passionnait Fassbinder, il me semble qu'il était tellement dans l'urgence de faire que la technique devait peut être par moment représenter une certaine contrainte à ses yeux.
Certains de ses films sont volontairement dépouillés d'effets avec, comme au théâtre, un décor minimal qui abandonne le spectateur à son imagination et des acteurs qui donnent chair aux enjeux humains du récit.
Pourtant, il était aussi dans le même temps l'homme qui aurait rendu sexy un épisode de l'inspecteur Derrick rien que par sa mise en scène et certains de ses films sont très riches visuellement.
Son film Lili Marleen est par exemple une splendeur visuelle en technicolor et il convoque des moyens presque hollywoodiens pour raconter son histoire.
Le monde sur le fil est un peu à la jonction de ces deux façons de montrer au spectateur.
Parce que le sujet du film s'y prête.
Faut s'imaginer des humains qui promènent des questionnements métaphysiques dans un décorum de série de science fiction ambitieuse du style "le prisonnier" ou "les envahisseurs".
On joue dans cette catégorie de fiction télévisuelle de prestige, voila la qualité minimale que garantit Fassbinder aux téléspectateurs Allemands.
Et ça sans les moyens de la télévision américaine, il réalise tout seul le projet avec ses petits bras et sa bande d'acteurs.
La mini-série en deux partie est adaptée d'un roman de science fiction, Simulacron 3 de Daniel F Galouye, le format long s'est apparemment très vite imposé au moment de l'écriture du scénario tant le sujet était vaste.
Pour schématiser, la première partie figure le héros qui se débat au sein de l'entreprise d'état, la maîtrise d'une technologie révolutionnaire est source de pouvoir et Fassbinder nous en montre tout les enjeux et les luttes, tandis que la seconde partie raconte sa tentative d'affranchissement de cet univers.
La première partie comporte un aspect "politique" et là il faut reconnaître la prescience du film, ses réflexions sur la technologie sont plus que d'actualité aujourd'hui:
Comment une technologie formidable du point de vue scientifique (la création d'un univers virtuel) peut elle n'être aux yeux de ses donneurs d'ordre qu'un simple outil de prospective commerciale ?
L'état et l'industrie Allemande de l'acier étant les financeurs du projet,cette technologie est priée de se plier à leur vision du monde...
Toute ressemblance avec le monde d'aujourd'hui n'est pas fortuite et pour le coup le récit d'anticipation de 1973 voit juste:
La technologie n'est pas neutre, elle est toujours liée au pouvoir.
La seconde partie du film, est plus orientée vers l'action, on se croirait chez Hitchcock tant du point de la mise en scène, que de l'ambiance paranoïaque.
Le découpage, le cadrage, raah, cette partie est parfaite à tout point de vue.
Le monde sur le fil est vraiment à découvrir, mieux c'est un univers à explorer.
Dommage que la restauration du film n'ait pas réussit à rendre une image plus propre, le film mériterait vraiment de trouver sa place dans notre imaginaire moderne.