Digérez les riches

J'ai écrit ça sur le réseau social mastodon à propos de la grande campagne médiatique droitière accompagnant la condamnation d'un ancien président de la république pour association de malfaiteur :

"Les partisans de l'ordre dans la société contestent sans vergogne une décision de justice, décrédibilisant totalement leurs postures.

Droits dans leurs bottes qu'ils ne portent jamais."

J'ai eu ensuite envie de continuer ici, tant les excès de cette bourgeoisie qui ne s'applique jamais à elle même ce qu'elle impose aux autres me sautent aux yeux et ça nécessite dans tous les cas plus de 500 caractères.

Nous avons en France en ce moment un débat sur une taxe qui consisterait à faire, un peu, cracher aux bassinets les plus favorisés du pays mais le débat n'est là selon moi que pour amuser la galerie et on s'enferre dans les descriptions du mode de vie de ces ultra privilégiés, comme on se plait à les nommer.

Difficile de se figurer les habitus sociaux de cette classe sociale sans nourrir des fantasmes chez la plupart des citoyens.

Ce qui nous manque, ce serait un transfuge de cette classe qui viendrait nous en relater les turpitudes.

Jacques Brel venait de la bourgeoisie et je ne crois pas qu'il aurait pu avec autant de justesse écrire et chanter "chez ces gens là", sans pouvoir s'inspirer de ce qu'il a observé chez les siens.

Mais parmi toutes les célébrités du pays, aucune n'a la volonté, ou même le talent, de simplement relater, sans même parler d'écorner, le mode de vie privilégié dont ils jouissent.

Indéniablement pour moi, le fric c'est chic et les riches, ça trichent.

Je n'ai personnellement aucuns doutes sur ces deux affirmations.

C'est ontologique, pour moi, que la bourgeoisie triche.

J'ai un peu fréquenté dans ma jeunesse des milieux plutôt favorisé, et parmi ceux ci, je distingue un individu, qui présentait absolument tous les attributs du bourgeois, une synthèse, comme aurait dit Michel Audiard.

Intelligent, il était très doué en mathématiques, mais ses aptitudes, bien réelles, étaient immédiatement gâchées par le lot de préjugés familiaux qu'il ne pouvait s’empêcher de régurgiter sans fards a la moindre occasion.

il me donnait souvent l'impression de voir une incarnation du meilleur de la culture d'une civilisation qui serait gachée par une bêtise petite bourgeoise qui aurait confit dans la veulerie.

Je le tacle, mais c'était au fond un gamin comme moi, seule son éducation familiale nous distinguait, un peu.

Il se réclamait du cartésianisme et ne jurait que par ce qu'il tenait pour rationnel, c'est un point important pour la suite de ma "démonstration".

Il était par exemple celui qui m'avait dit, parce qu'il savait que j'écrivais des bouts de scénario de film, qu'il était le personnage de John Goodman dans le film "Barton Fink", pendant que moi, j'étais Barton Fink.

John Goodman joue dans ce film un personnage très terre à terre, pendant que Barton Fink est un rêveur un peu naïf.

C'était assez bien vu, faut le reconnaître, plus élégant et plus sophistiqué en tout cas que dire : Je suis un matérialiste de droite et toi un gauchiste qui plane.

Je me souviens d'un soir où nous jouions aux cartes avec lui et d'autres potes, et il avait passé toute la partie à tricher grossièrement.

Personne ne l'en avait réellement empêché, on était tous passablement faits faut dire, si bien qu'à l'issue de la partie, il a posé ses dernières cartes et il a dit : J'ai gagné !

Immédiatement, quelqu'un l'a repris en disant, oui, mais t'a triché.

S'en est suivi un dialogue absurde ou l'un affirmait qu'il avait gagné et où l'autre l'infirmait en lui rappelant inlassablement qu'il avait triché.

Ce ping-pong verbal aurait pu durer 1 heures si un tiers n'avait pas arrêter l'échange, en proclamant qu'on s'en tapait le coquillard du vainqueur.

Ce qui m'a frappé chez lui, c'est le fait qu'il ne semblait absolument pas comprendre qu'on puisse lui reprocher d'avoir triché.

Programmé pour gagner sans coup férir depuis l'enfance, il a simplement fait ce qu'il fallait pour l'emporter (selon lui).

Ben oui, pour un rationnel prisonnier de son principe, la plus sûre façon de gagner à un jeu, c'est de tricher.

Il serai bien capable de te faire un calcul de probabilité pour te montrer qu'il a raison.

Cette toute petite anecdote résume pour moi a elle seule, le modus operandi de la bourgeoisie, qui ne joue pas sans être sûre de gagner et qui n'hypothéquera jamais sa victoire finale sans au moins user de tricheries au besoin.

Et qu'importe si les autres joueurs autour de la table sortent du jeu dégoûtés parce qu'on leur a volé le plaisir de jouer équitablement.