Du soldat inconnu à Hakim H.

Soraya Qahwaji est une poétesse dont on ne sait rien. Maintenant, lisons son poème.

Ne les crois pas : le champ d’honneur est une rumeur

Je suis mort fusillé, traité de « déserteur »

Personne ne le sait, mais j’étais marocain

J’ai fait la Marne, j’ai combattu à Verdun

La division marocaine a pris les Corbeaux

Puis j’en eus assez d’écouter les généraux

Non, je ne suis pas mort pour la mère patrie

Mais d’avoir voulu fuir la grande boucherie

Français ou indigènes, alboches, doryphores

Ne peut-on être frères ailleurs que dans la mort  ?

En ces temps si prodigues du sang des misérables

Mourir au peloton m’a paru plus honorable

Et quand les casseurs de vies en ont eu besoin

Ils ont choisi un cadavre au hasard - le mien

Je n’avais, hélas, les moyens de protester

Mais c’est ce qui m’a permis de te rencontrer

Ne crois pas ceux qui crient à la profanation

Car c’est toujours les ânes qui mènent des lions

Qui veulent t’enlever ta carte de séjour

Pour ton geste d’amitié qui me restera toujours

Je suis bien content que ma flamme t’ait servi

Fumes-en une pour moi – ils m’ont volé ma vie

Et s’ils te volent la tienne, scandons en chœur :

Mort à la guerre, mort à ses profiteurs !